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DÉCISIONS DE JUSTICE

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS
PROCÈS EN RÉFÉRÉ
Décision du 7 décembre 2021
Ordonnance du 7 décembe 2021

En ce qui concerne l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée :

 

5. Pour prononcer à l’encontre de M. Pernoo la sanction d’exclusion temporaire d’un an avec retenue de traitement, la directrice du CNSMDP a relevé qu’il imposait « aux élèves un climat où la familiarité, la référence à la sexualité et les gestes déplacés sont omniprésents dans [son] expression et [ses] attitudes à leur égard ». Elle a relevé qu’il adoptait un « mode d’enseignement [qui] n’est pas conforme au devoir d’exemplarité qui [lui] incombe », qu’il instaurait « un fonctionnement clivant au sein de la classe » en « [abusant] de l’ascendant indéniable [qu’il] exerce sur [ses] élèves », qu’il entretenait une « confusion des genres », qu’il employait des « contrepèteries à connotation sexuelle » et qu’il adoptait « des attitudes humiliantes en public où les moqueries et humiliations font partie du dispositif pédagogique ». Il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer la décision attaquée, la directrice du CNSMDP s’est notamment fondée sur le rapport de l’enquête diligentée par Mme De Haas, directrice associée du groupe Egaé, structure experte de la prévention des violences sexistes, discriminatoires, morales et sexuelles, et M. Pillon, chef du service ressources humaines du CNSMDP, et au cours de laquelle cinquante-et-une personnes ont été entendues, dont M. Pernoo, et quarante-cinq d’entre elles ont signé le compte-rendu de leur entretien.

​

6. Si M. Pernoo conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés, il ressort des pièces du dossier et en particulier des nombreux témoignages précis et concordants versés dans le rapport d’enquête, y compris ceux favorables à l’intéressé, que celui-ci donne des surnoms à ses élèves, qu’il tient de nombreux propos à connotation sexuelle, notamment sous forme de contrepèteries, qu’il fait preuve de contacts physiques réguliers avec ses élèves qui outrepassent les gestes nécessaires à l’apprentissage du violoncelle, tels que notamment des bises et des accolades fréquentes, et qu’il entretient une proximité particulière avec ses élèves allant au-delà du devoir d’exemplarité qui incombe à tout enseignant.

 

7. Dans ces circonstances, l’utilisation par le requérant de propos inadaptés même pour un enseignement artistique supérieur, ainsi qu’une attitude inappropriée dans le cadre de l’enseignement qu’il délivre peuvent être regardées comme établis. Si de nombreux élèves ont fait part de ce que ces comportements ne les incommodaient pas et ont fait l’éloge de ses techniques d’enseignement, ces faits, s’agissant d’un professeur de l’enseignement supérieur qui s’adresse, dans le cadre de ses cours, à des adolescents ou à des jeunes adultes, alors même qu’ils seraient effectués sur un ton humoristique ou dans le contexte particulier de l’enseignement de la musique, constituent des fautes qui sont de nature, à eux seuls, à justifier le prononcé d’une sanction.

 

8. Les griefs précédemment regardés comme établis peuvent être considérés comme graves en raison, ainsi qu’il a déjà été relevé, des fonctions d’enseignant exercées par M. Pernoo et de sa position de musicien renommé face à un public encore jeune et influençable, et dont les enseignements ont un large retentissement sur leur insertion professionnelle. Toutefois, compte tenu de la nature des fautes commises par l’intéressé, de ce que M. Pernoo n’a jamais fait l’objet de signalements ni de sanctions disciplinaires pour des faits similaires depuis son recrutement par le CNSMDP en 2007, et eu égard à l’ancienneté de certains faits, dont certains remontent aux années 2002 à 2016, le moyen tiré de ce que la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pendant un an avec retenue de traitement, qui relève du troisième groupe des mesures

disciplinaires, présente un caractère disproportionné est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

 

9. C’est également le cas des moyens tirés du manque d’impartialité de l’enquête administrative, de l’irrégularité de la composition du conseil de discipline et de la procédure suivie devant cette instance consultative.

 

10. Il y a lieu donc lieu de suspendre la décision du 7 septembre 2021 par laquelle la directrice du CNSMDP a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée d’un an avec retenue de traitement.

 

Sur les frais liés au litige :

 

10. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CNSMDP la somme de 2 000 euros à verser à M. Pernoo en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

​

O R D O N N E :

 

Article 1er : L’exécution de la décision du 7 septembre 2021 par laquelle la directrice du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris a prononcé à l’encontre de M. Pernoo la sanction disciplinaire d’exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée d’un an avec retenue de traitement est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de la décision attaquée.

​

Article 2 : Le conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris versera à M. Pernoo une somme de 2 000 (deux milles) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jérôme Pernoo et au conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.

 

Fait à Paris, le 7 décembre 2021.

Le juge des référés,

L. GROS

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PROCÈS EN RÉFÉRÉ
Décision du 22 juin 2022

Considérant ce qui suit :

 

Sur l'intervention volontaire :

​

1. Onze élèves actuels de M. Pernoo, son accompagnatrice au piano et son assistant sont intervenus au soutien de la demande de suspension. Etant donné le lien spécifique maître-élève dans cet enseignement musical de très haut niveau, cette intervention est recevable.

 

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice

administrative :

[...]

En ce qui concerne le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

 

6. En l’état de l’instruction, seul le moyen tiré du caractère disproportionné de la mesure est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

 

7. Il y a donc lieu de suspendre la décision du 11 mai 2022 par laquelle la directrice du CNSMDP a prononcé à l’encontre de M. Pernoo la sanction disciplinaire de licenciement sans préavis ni indemnité.

 

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

 

8. Ces dispositions font obstacle aux conclusions du Conservatoire contre M. Pernoo qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance de référé. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris la somme de 2 000 euros à verser à M. Pernoo en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

 

O R D O N N E :

 

Article 1er : L'intervention de M. Guignier et autres est admise.

 

Article 2 : L’exécution de la décision du 11 mai 2022 par laquelle la directrice du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris a prononcé à l’encontre de M. Pernoo la sanction disciplinaire de licenciement sans préavis ni indemnité est provisoirement suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué dans les meilleurs délais sur la légalité de la décision attaquée.

 

Article 3 : Le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris versera à M. Pernoo une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

​

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Jérôme Pernoo, au conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, à M. Gabriel Guignier, à M. Krzysztof Michalski, à M. Léo Ispir, à M. Carlos Vidal Ballester, à Mme Pauline Boudon, à M. Shicong Li, à M. Fabian Sturm, à M. Maël Floc’h, à M. Minje Song, à Mme Romane Bestautte, à M. Théophile Dugué, à M. Cyrill Lacrouts et à Mme Karine Sélo.

 

Copie en sera notifiée à la ministre de la culture.

 

Fait à Paris, le 22 juin 2022.

 

Le juge des référés,

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L. GROS.

Ordonnance du 2 novembre 2022
PROCÈS AU FOND
Décision du 2 novembre 2022

En ce qui concerne la légalité interne :

​

[...]

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24. Il ressort des termes de la décision attaquée que, pour prononcer la sanction de licenciement sans indemnités ni préavis à l’encontre de M. Pernoo, le Conservatoire s’est fondé tout d’abord, sur la mise en place par l’intéressé d’activités pédagogiques et extra-scolaires en dehors de l’établissement, sans avis ou demande préalable à sa direction, et qu’il a fortement incité ses élèves à prendre part à celles-ci, entretenant une confusion entre ses activités privées et celles relevant de son enseignement. Ensuite, elle relève que M. Pernoo a adopté un comportement inapproprié vis-à-vis de ses élèves en s’immisçant dans leur vie privée et extrascolaire, allant au-delà de la relation professeur-élève, résultant en une forme d’emprise sur ses élèves. La décision de sanction est également motivée par l’usage de méthodes humiliantes, la teneur de propos à connotation sexuelle, notamment des contrepèteries répétées, ainsi que des gestes et attitudes sexuellement orientés. En outre, la décision attaquée considère que M. Pernoo a manqué à son obligation de loyauté et à son devoir de réserve en donnant des cours à ses élèves lorsque la sanction d’exclusion temporaire, depuis retirée, était effective, cours qui se sont poursuivis lors de la suspension à titre conservatoire, ainsi qu’en relayant des publications hostiles au Conservatoire sur les réseaux sociaux.

 

25. Il ressort des pièces du dossier et de témoignages concordants en ce sens, comme il a déjà été indiqué, que M. Pernoo a eu des comportements inappropriés pendant ses cours, notamment en utilisant régulièrement des contrepèteries ou des remarques à connotation sexuelle, de nature à troubler certains élèves. Egalement, onze témoignages démontrent que M. Pernoo a eu des gestes inappropriés envers deux anciens élèves, tant en dehors du cadre du Conservatoire que dans le cadre des cours lors d’un voyage d’études en Russie, et qu’en raison

de leur gravité, la directrice de l’établissement, à qui ils ont été rapportés en mars 2021, a fait usage de l’article 40 du code de procédure pénale pour les signaler au procureur de la République. De plus, il ressort toujours des éléments concordants du dossier que M. Pernoo, en instaurant un climat amical, voire « familial » selon les propos de certains élèves, notamment par la bise, le tutoiement, l’usage de sobriquets, l’organisation de repas collectifs en dehors des heures de cours, pratiques au demeurant non fréquentes au Conservatoire, comme en attestent les témoignages d’autres professeurs, en incitant fortement ses élèves a participé [sic] à une association dont il est le fondateur, ainsi qu’à des festivals ou représentations qu’il organisait dans le cadre d’une activité privée et sans autorisation préalable de sa hiérarchie, au risque que certains étudiants se voient par la suite dévalorisés ou dénigrés s’ils n’acceptaient pas ou participaient à d’autres activités non approuvées par leur professeur, en entretenant des conversations privées sans rapport avec son enseignement en dehors du cadre du Conservatoire, M. Pernoo a mis en place des relations inappropriées avec ses élèves et dépassant le cadre du rapport professeur-élève, même dans le contexte particulier d’un enseignement de musique de haut niveau tel que délivré par le CNSMDP.

 

26. Par ailleurs, il ressort de l’enquête interne menée par le cabinet Oppidum, et notamment des témoignages des élèves actuels de M. Pernoo, que ce dernier leur a proposé des cours gratuits en dehors du Conservatoire, alors que sa sanction d’exclusion temporaire d’une durée d’un an, depuis retirée, était effective, et que ces cours se sont poursuivis lors de la suspension à titre conservatoire du 10 décembre 2021, alors même qu’un remplaçant avait été nommé permettant d’assurer la continuité pédagogique des élèves. La circonstance, dont se prévaut M. Pernoo, que les décisions ne mentionnaient pas l’interdiction d’entrer en contact avec les élèves n’est pas suffisante pour justifier ses agissements, dès lors qu’il ne pouvait ignorer que ces deux décisions impliquaient, de par leur nature, qu’il ne contacte pas ses élèves, en particulier pour assurer des cours dont il n’avait plus la charge au Conservatoire. Enfin, il ressort des pièces produites en défense que si le requérant n’a fait que relayer sur les réseaux sociaux des communiqués de presse de ses conseils et des articles de presse relatifs à son affaire, son compagnon, M. Ducros, a mené une campagne virulente contre l’établissement et sa directrice sur ces mêmes réseaux, sans que M. Pernoo ne se désolidarise ou même n’établisse qu’il a tenté de faire cesser ces agissements.

 

27. Les faits, dont la réalité doit être regardée comme matériellement établie, tenant à l'existence de gestes, comportements et propos inappropriés envers des élèves, mineurs ou jeunes adultes, au détournement des étudiants au profit d’activités privées annexes sans contrepartie financière pour les participants, à la proposition de cours gratuits en dehors du Conservatoire alors que le requérant était exclu ou suspendu de ses fonctions et au relais, sur les réseaux sociaux, de publications hostiles à son employeur, constituent autant de manquements aux obligations d'un professeur de Conservatoire à la renommée internationale et sont de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à la nature et à la gravité des faits, et alors même que le requérant n'a pas d'antécédents disciplinaires, fait l'objet d'une bonne notation et que plusieurs témoignages soulignent ses qualités pédagogiques et son implication envers ses élèves, le Conservatoire n'a pas pris une sanction disproportionnée en prononçant une mesure de licenciement sans indemnités ni préavis.

 

28. Il résulte de tout ce qui précède que M. Pernoo n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 11 mai 2022 par laquelle le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de licenciement sans indemnités ni préavis.

​

[...]

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D E C I D E :

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Article 1er : Dans la requête n° 2211555, les interventions de MM. Guignier, Michalski, Ispir, Vidal Ballester, Li, Sturm, Floc’h, Song, Dugué, Lacrouts, Olmedo et De Maria, et Mmes Boudon, Bestautte, Sélo, Devane et Amaya Farias sont admises.

 

Article 2 : Dans la requête n° 2108747, la décision du 8 avril 2022 est annulée.

 

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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Article 4 : Les requêtes nos 2208748 et 221155 de M. Pernoo sont rejetées.

 

Article 5 : Les conclusions présentées par le Conservatoire national supérieur de musique et dedanse de Paris au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

 

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. Jérôme Pernoo et au Conservatoire national

supérieur de musique et de danse de Paris.

​

Une copie pour information sera adressée à la ministre de la culture.

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Délibéré après l'audience du 12 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Ladreyt, président,

M. Gandolfi, premier conseiller,

Mme Leravat, conseillère.

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Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2022.

La rapporteure,

C. LERAVAT

​

Le président,

J-P. LADREYT

​

La greffière,

L. SUEUR

TRIBUNAL PÉNAL
PROCÈS DU 26/05/2023
Jugement du 26 septembre 2023 
  • Le tribunal correctionnel de Paris a prononcé une relaxe du chef de l’ensemble des faits dénoncés par Angèle Legasa, Rafael Cumont-Vioque et Bruno Philippe. 

  • Le tribunal correctionnel a rejeté les demandes formées par les parties civiles Angèle Legasa, Rafael Cumont-Vioque et Bruno Philippe en raison des relaxes prononcées.

  • Le tribunal correctionnel a jugé la constitution de partie civile du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris irrecevable.  

  • Le tribunal a prononcé une condamnation du chef de l’agression dénoncée par Noé Natorp.

    • La peine prononcée est d’un an d’emprisonnement entièrement assorti du sursis simple intégral.

    • Une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité rémunérée ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs a été prononcée pour une durée de dix ans. 

    • Il a ordonné le versement de dommages et intérêts pour Noé Natorp : 6.070€ au titre du préjudice matériel (suivi psychologique), 5.000€ (sur 45.000€ demandés) au titre du préjudice moral et 5.000€ au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale. Le tribunal en a ordonné l’exécution provisoire. 

    • Enfin le tribunal a ordonné le versement de 1.500€ de dommages et intérêts pour la Fondation pour l’enfance et 1.500€ au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

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